Cheminements informatiques - 17 avril
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Le club de lecture
Je fais partie d'un club de lecture qui se réunit une fois par mois, le vendredi après-midi de 14h à 15h30 à la médiathèque de Cadolive. Cette fois-ci, nous n'avons pas pu nous réunir, distanciation oblige. Mais j'aurais voulu échanger avec mes amies du club à propos du livre d'Aurélie Jean "De l'autre côté de la machine".
J'ai vu cette jeune femme qui a été invitée à la Grande Librairie. Je l'ai trouvée particulièrement intelligente et cultivée. Elle exprimait simplement ses idées ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'auteurs d'essais. J'ai donc décidé de me procurer son livre afin de vérifier si ma première impression était bonne.
Son ouvrage est clairet bien structuré. Il témoigne de son enthousiasme pour la pratique de l'outil informatique, notamment celui rattaché à l'informatique scientifique, car, indéniablement c'est une scientifique. Dans son ouvrage, elle revient sur les racines du mot algorithme pour montrer que cette technique est vieille comme le monde. Pour elle, "un algorithme n'est pas une recette de cuisine, mais par contre, l'inverse est vrai : une recette de cuisine est un algorithme". Elle nous fait part de quelques unes de ses expériences, dans différents domaines scientifiques. En faisant ainsi, elle montre que de nombreux sujets peuvent être traités par des algorithmes. Cependant, et c'est là que son ouvrage est particulièrement intéressant, elle nous parle des dangers que cela entraîne, car quelquefois, les résultats de ces algorithmes sont erronés : ils dépendent essentiellement de la qualité et du nombre de ses concepteurs. Elle évoque pour cela l'existence de "biais" qui sont, en quelque sorte des failles du système. Cela l'amène tout naturellement à penser qu'un accompagnement philosophique et de sciences humaines est nécessaire. Précisément elle souhaite plus de débats avec les sociologues et les philosophes afin d'éduquer les utilisateurs. Le but de ces débats est d'interpeller les gens sur les résultats produits afin qu'ils laissent leur esprit critique toujours en éveil.
Mais ce qui m'a séduit le plus, c'est que son livre met en évidence l'exaltation de travailler en informatique. J'y ai retrouvé ce que j'ai vécu en grande partie depuis ma vie d'étudiant jusqu'à mon départ à la retraite.
Elle présente l'informatique, comme je l'ai vécue une petite dizaine d'années avant elle. Il faut quand même noter, que, s'agissant d'informatique, quelques années peuvent représenter des siècles d'évolution.
Personnellement, ce n'est pas une recette de cuisine qui a tout déclenché, mais plutôt mes cours de terminale où on m'a appris à faire des gammes d'usinage. Ce n'était, ni plus ni moins que le séquençage des opérations permettant d'obtenir une pièce complexe à partir d'un ou plusieurs matériaux bruts. Ce furent mes premiers émois face à cette technique mentale. C'est donc, naturellement que je me suis inscris dans un IUT d'informatique pour essayer d'aller plus loin car on m'avait dit que l'informatique ressemblait à cela.
A cette époque, l'informatique, c'était un "machin" avec des cartes perforées, des grosses bandes magnétiques et des armoires énormes et bruyantes implantées dans des locaux climatisés. Pour mon père, ce n'était pas un métier d'avenir et j'allais perdre deux ans d'études. Malgré tout, je me suis présenté en ce début du mois de septembre 1971 à l'IUT de Reims.
Les débuts furent difficiles : une semaine bloquée de cours d'informatique où on nous a remis entre les mains et surtout dans la tête, les bases des organigrammes (qui sont la façon graphique de représenter les algorithmes), les instructions de base d'un langage informatique (le FORTRAN). Les journées passaient extrêmement vite entre les heures de cours théoriques, la pratique avec les premiers codages. C'est là que nous avons approché les premières cartes perforéeset les machines qui permettaient de les confectionner, les disques pour stocker les données, les imprimantes à impacts, les listings avec bande carole, et une pièce de 10m sur 15m avec des armoires bleues et grises et un sigle : IBM.
C'est là que nous allions passer beaucoup de temps à essayer de "faire tourner" nos programmes. Déjà, le vocabulaire technique nous déformait. Le fortran est plutôt un langage destiné aux mathématiques. Évidemment, la plupart d'entres nous sortions d'un bac scientifique et il était plus facile de nous confier des travaux à base de raisonnement mathématique.
On nous donnait un travail à faire accomplir à la machine. Nous dessinions un ordinogramme qui était une façon de représenter graphiquement l'algorithme qui partait de la donnée brute pour arriver au résultat attendu. Mon rêve se réalisait.
Quand nous avions fini, on traduisait notre dessin en instructions. Ces instructions étaient alors codées sur des cartes perforées. Puis, nous faisions lire à la machine le programme ainsi codé au travers d'un programme de traduction qui générait le-dit programme en code machine. Inutile de vous dire, que nous avons mis un certain temps pour savoir lire ce programme machine.
Enfin, nous pouvions mettre en œuvre le programme. Il y avait souvent des problèmes, et on passait de grands moments à chercher les erreurs de logique ou de codification. Combien de nuits avons-nous passées à revoir le chemin sur l'organigramme et à chercher l'erreur? Mais c'était tellement passionnant et si riche de satisfaction quand on finissait par trouver! Ce plaisir, je l'ai gardé longtemps. Je crois même que je l'avais encore à mon départ à la retraite.
Puis les cours ont commencé avec toutes les matières qui seraient utiles pour l'exercice de notre futur métier. D'abord celles qui concernaient la technologie de l'ordinateur, le système d'exploitation, les langages de programmation mais aussi les schémas d'algorithme préétablis et récurrents. Puis les matières de gestion et d'économie, les mathématiques et statistiques et la langue anglaise qui était plus que nécessaire car la plupart des brochures techniques étaient écrites en Anglais. Enfin, nous avions des cours d'expressions orale et écrite. Au début, cela nous a paru être la partie la moins importante de toutes, ne serait-ce que par son faible coefficient au niveau des notes.
Le professeur en charge de cette matière s'est révélé, au fil du temps, mon guide et mon ami. C'est lui qui m'a appris à synthétiser les problèmes, à tirer l'essentiel d'un argument (par des séances de lecture rapide), à exposer un propos, à défendre des idées. Mais surtout à toujours avoir un œil critique sur nombre de sujets. Comme je l'ai dit précédemment le livre d'Aurélie Jean aborde ces sujets en disant qu'il faudrait que l'on associe plus de philosophie et de science sociale dans les développements informatiques.
Mais que s'est il passé entre 1971 et 1980, date importante pour Aurélie Jean?
J'avais mon diplôme en poche, je n'ai pas attendu pour être embauché. J'étais célibataire et je ne comptais pas mes heures.
Mais on nous a demandé d'informatiser de plus en plus vite fonctions administratives et techniques. Les sociétés, et surtout les utilisateurs de l'outil informatique, demandaient plus de souplesse, plus de décentralisation, plus de communication entre les services.
C'est alors que les organigrammes et la rédaction des programmes ont largement évolué.
On perdait trop de temps sur la confection des organigrammes et surtout, chacun avait sa propre logique. Cela rendait le travail difficile quand il fallait intégrer de nouvelles contraintes dans les programmes. Alors on a commencé à "penser" différemment. On a construit une logique universelle pour les programmes. On s'était aperçu qu'il y avait énormément de tâches répétitives. On s'est donc dit qu'il fallait écrire des "routines" (le terme explique bien ce que cela représente). Une fois que les méthodes de construction ont été formalisées, il a fallu faire évoluer les langages pour les adapter à ces routines. C'était le début des langages évolués dits de 4ème génération (je n'avais pas eu le temps de réaliser qu'il y en avait eu 3 avant...).
Parallèlement, le matériel évoluait encore plus vite : l'apparition des micros ordinateurs, des PC, puis des serveurs. La vitesse de transmission des données, le web...
C'est en 1980 qu'Aurélie Jean est venue rejoindre l'informatique. D'abord chez elle pour se familiariser (mon fils avait fait de même), puis elle a réalisé son souhait d'aller visiter ce pays des algorithmes.
Pour ma part, c'est à cette époque que je me suis éloigné de l'analyse et de la programmation. Je souhaitais me rapprocher des utilisateurs en me servant du bagage acquis au cours de ces dix dernières années.
C'est là que les enseignements de mon professeur d'expression ont pris toute leur importance. La technique c'est complexe, mais la technique sans le social, l'humain et la philosophie, cela perd de son intérêt. Petit à petit, et sans m'en rendre vraiment compte, j'avais commencé à faire remonter les souvenirs de ses enseignements.
Je me suis occupé du contact avec les utilisateurs. Je suis devenu ce que l'on appelle "assistant à maîtrise d'ouvrage". En fait, je faisais le lien entre les ingénieurs informaticiens et les gens qui exprimaient leurs besoins de l'outil informatique. J'aidais les uns et les autres à se comprendre. Cette fois-ci, je voyais la satisfaction du travail réalisé dans le comportement des utilisateurs. Même, si quelquefois, cela a pris du temps pour ajuster la demande à la réalisation. C'est aussi cela qu'Aurélie Jean nous décrit quand elle rencontre des sommités scientifiques et qu'elle participe à la modélisation et à l'élaboration d'algorithmes que l'on peut qualifier d'incroyables (ex : celui de modéliser l'impact de la déflagration d'une bombe dans une rue).
Au cours de ces rencontres avec les utilisateurs, il a fallu faire l'effort de parler leur langage (souvent qui est différent de l'expression normalisée) pour ensuite le formaliser aux techniciens en charge de la mise en œuvre. Je revoyais mon professeur me dire "mais qu'est ce que vous avez voulu dire par là?". La tenue de l'exposé simple et pragmatique, les concepts de "Qui, Quoi, Comment, Quand" revenait sans cesse. L'œil critique sur la réalité des faits qui m'étaient présentés, c'était aussi lui. Sur la fin de ma carrière, j'avais trouvé des outils graphiques me permettant de mieux cerner les réalités et rechercher les "biais" dans ce qui m'avait été présenté. Là aussi Aurélie Jean, nous parle de ces biais, qui sont susceptibles de fausser les résultats et entraîner les gens sur de fausses conclusions. En appliquant ces méthodes, je ne pense pas avoir été capable d'éviter tous les écueils, mais d'en éliminer un certain nombre.
Enfin, en fin de carrière, j'ai voulu obtenir un diplôme d'ingénieur par la validation des acquis de l'expérience. Évidemment, j'ai rédigé une thèse. A l'intérieur j'ai pu regrouper, un grand nombre des techniques utilisées, et la plupart des méthodes que j'ai expérimentées au cours de ma profession. Mais c'est naturellement que j'ai souhaité faire relire cette thèse à mon professeur. Bien sûr, j'ai eu droit aux questions qu'il me posait dans ma vie d'étudiant, nous avons entièrement corrigé le document au cours d'une longue après-midi. Mais j'étais heureux de le revoir. Il est, et il sera toujours, Mon Maître.
Si j'écris aujourd'hui, c'est aussi grâce à lui et je lui serai toujours reconnaissant.
Je pense qu'Aurélie Jean serait ravie de le rencontrer. Je suis sûr qu'elle l'aimerait.
Le club de lecture
Je fais partie d'un club de lecture qui se réunit une fois par mois, le vendredi après-midi de 14h à 15h30 à la médiathèque de Cadolive. Cette fois-ci, nous n'avons pas pu nous réunir, distanciation oblige. Mais j'aurais voulu échanger avec mes amies du club à propos du livre d'Aurélie Jean "De l'autre côté de la machine".
J'ai vu cette jeune femme qui a été invitée à la Grande Librairie. Je l'ai trouvée particulièrement intelligente et cultivée. Elle exprimait simplement ses idées ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'auteurs d'essais. J'ai donc décidé de me procurer son livre afin de vérifier si ma première impression était bonne.
Son ouvrage est clairet bien structuré. Il témoigne de son enthousiasme pour la pratique de l'outil informatique, notamment celui rattaché à l'informatique scientifique, car, indéniablement c'est une scientifique. Dans son ouvrage, elle revient sur les racines du mot algorithme pour montrer que cette technique est vieille comme le monde. Pour elle, "un algorithme n'est pas une recette de cuisine, mais par contre, l'inverse est vrai : une recette de cuisine est un algorithme". Elle nous fait part de quelques unes de ses expériences, dans différents domaines scientifiques. En faisant ainsi, elle montre que de nombreux sujets peuvent être traités par des algorithmes. Cependant, et c'est là que son ouvrage est particulièrement intéressant, elle nous parle des dangers que cela entraîne, car quelquefois, les résultats de ces algorithmes sont erronés : ils dépendent essentiellement de la qualité et du nombre de ses concepteurs. Elle évoque pour cela l'existence de "biais" qui sont, en quelque sorte des failles du système. Cela l'amène tout naturellement à penser qu'un accompagnement philosophique et de sciences humaines est nécessaire. Précisément elle souhaite plus de débats avec les sociologues et les philosophes afin d'éduquer les utilisateurs. Le but de ces débats est d'interpeller les gens sur les résultats produits afin qu'ils laissent leur esprit critique toujours en éveil.
Mais ce qui m'a séduit le plus, c'est que son livre met en évidence l'exaltation de travailler en informatique. J'y ai retrouvé ce que j'ai vécu en grande partie depuis ma vie d'étudiant jusqu'à mon départ à la retraite.
Elle présente l'informatique, comme je l'ai vécue une petite dizaine d'années avant elle. Il faut quand même noter, que, s'agissant d'informatique, quelques années peuvent représenter des siècles d'évolution.
Personnellement, ce n'est pas une recette de cuisine qui a tout déclenché, mais plutôt mes cours de terminale où on m'a appris à faire des gammes d'usinage. Ce n'était, ni plus ni moins que le séquençage des opérations permettant d'obtenir une pièce complexe à partir d'un ou plusieurs matériaux bruts. Ce furent mes premiers émois face à cette technique mentale. C'est donc, naturellement que je me suis inscris dans un IUT d'informatique pour essayer d'aller plus loin car on m'avait dit que l'informatique ressemblait à cela.
A cette époque, l'informatique, c'était un "machin" avec des cartes perforées, des grosses bandes magnétiques et des armoires énormes et bruyantes implantées dans des locaux climatisés. Pour mon père, ce n'était pas un métier d'avenir et j'allais perdre deux ans d'études. Malgré tout, je me suis présenté en ce début du mois de septembre 1971 à l'IUT de Reims.
Les débuts furent difficiles : une semaine bloquée de cours d'informatique où on nous a remis entre les mains et surtout dans la tête, les bases des organigrammes (qui sont la façon graphique de représenter les algorithmes), les instructions de base d'un langage informatique (le FORTRAN). Les journées passaient extrêmement vite entre les heures de cours théoriques, la pratique avec les premiers codages. C'est là que nous avons approché les premières cartes perforéeset les machines qui permettaient de les confectionner, les disques pour stocker les données, les imprimantes à impacts, les listings avec bande carole, et une pièce de 10m sur 15m avec des armoires bleues et grises et un sigle : IBM.
C'est là que nous allions passer beaucoup de temps à essayer de "faire tourner" nos programmes. Déjà, le vocabulaire technique nous déformait. Le fortran est plutôt un langage destiné aux mathématiques. Évidemment, la plupart d'entres nous sortions d'un bac scientifique et il était plus facile de nous confier des travaux à base de raisonnement mathématique.
On nous donnait un travail à faire accomplir à la machine. Nous dessinions un ordinogramme qui était une façon de représenter graphiquement l'algorithme qui partait de la donnée brute pour arriver au résultat attendu. Mon rêve se réalisait.
Quand nous avions fini, on traduisait notre dessin en instructions. Ces instructions étaient alors codées sur des cartes perforées. Puis, nous faisions lire à la machine le programme ainsi codé au travers d'un programme de traduction qui générait le-dit programme en code machine. Inutile de vous dire, que nous avons mis un certain temps pour savoir lire ce programme machine.
Enfin, nous pouvions mettre en œuvre le programme. Il y avait souvent des problèmes, et on passait de grands moments à chercher les erreurs de logique ou de codification. Combien de nuits avons-nous passées à revoir le chemin sur l'organigramme et à chercher l'erreur? Mais c'était tellement passionnant et si riche de satisfaction quand on finissait par trouver! Ce plaisir, je l'ai gardé longtemps. Je crois même que je l'avais encore à mon départ à la retraite.
Puis les cours ont commencé avec toutes les matières qui seraient utiles pour l'exercice de notre futur métier. D'abord celles qui concernaient la technologie de l'ordinateur, le système d'exploitation, les langages de programmation mais aussi les schémas d'algorithme préétablis et récurrents. Puis les matières de gestion et d'économie, les mathématiques et statistiques et la langue anglaise qui était plus que nécessaire car la plupart des brochures techniques étaient écrites en Anglais. Enfin, nous avions des cours d'expressions orale et écrite. Au début, cela nous a paru être la partie la moins importante de toutes, ne serait-ce que par son faible coefficient au niveau des notes.
Le professeur en charge de cette matière s'est révélé, au fil du temps, mon guide et mon ami. C'est lui qui m'a appris à synthétiser les problèmes, à tirer l'essentiel d'un argument (par des séances de lecture rapide), à exposer un propos, à défendre des idées. Mais surtout à toujours avoir un œil critique sur nombre de sujets. Comme je l'ai dit précédemment le livre d'Aurélie Jean aborde ces sujets en disant qu'il faudrait que l'on associe plus de philosophie et de science sociale dans les développements informatiques.
Mais que s'est il passé entre 1971 et 1980, date importante pour Aurélie Jean?
J'avais mon diplôme en poche, je n'ai pas attendu pour être embauché. J'étais célibataire et je ne comptais pas mes heures.
Mais on nous a demandé d'informatiser de plus en plus vite fonctions administratives et techniques. Les sociétés, et surtout les utilisateurs de l'outil informatique, demandaient plus de souplesse, plus de décentralisation, plus de communication entre les services.
C'est alors que les organigrammes et la rédaction des programmes ont largement évolué.
On perdait trop de temps sur la confection des organigrammes et surtout, chacun avait sa propre logique. Cela rendait le travail difficile quand il fallait intégrer de nouvelles contraintes dans les programmes. Alors on a commencé à "penser" différemment. On a construit une logique universelle pour les programmes. On s'était aperçu qu'il y avait énormément de tâches répétitives. On s'est donc dit qu'il fallait écrire des "routines" (le terme explique bien ce que cela représente). Une fois que les méthodes de construction ont été formalisées, il a fallu faire évoluer les langages pour les adapter à ces routines. C'était le début des langages évolués dits de 4ème génération (je n'avais pas eu le temps de réaliser qu'il y en avait eu 3 avant...).
Parallèlement, le matériel évoluait encore plus vite : l'apparition des micros ordinateurs, des PC, puis des serveurs. La vitesse de transmission des données, le web...
C'est en 1980 qu'Aurélie Jean est venue rejoindre l'informatique. D'abord chez elle pour se familiariser (mon fils avait fait de même), puis elle a réalisé son souhait d'aller visiter ce pays des algorithmes.
Pour ma part, c'est à cette époque que je me suis éloigné de l'analyse et de la programmation. Je souhaitais me rapprocher des utilisateurs en me servant du bagage acquis au cours de ces dix dernières années.
C'est là que les enseignements de mon professeur d'expression ont pris toute leur importance. La technique c'est complexe, mais la technique sans le social, l'humain et la philosophie, cela perd de son intérêt. Petit à petit, et sans m'en rendre vraiment compte, j'avais commencé à faire remonter les souvenirs de ses enseignements.
Je me suis occupé du contact avec les utilisateurs. Je suis devenu ce que l'on appelle "assistant à maîtrise d'ouvrage". En fait, je faisais le lien entre les ingénieurs informaticiens et les gens qui exprimaient leurs besoins de l'outil informatique. J'aidais les uns et les autres à se comprendre. Cette fois-ci, je voyais la satisfaction du travail réalisé dans le comportement des utilisateurs. Même, si quelquefois, cela a pris du temps pour ajuster la demande à la réalisation. C'est aussi cela qu'Aurélie Jean nous décrit quand elle rencontre des sommités scientifiques et qu'elle participe à la modélisation et à l'élaboration d'algorithmes que l'on peut qualifier d'incroyables (ex : celui de modéliser l'impact de la déflagration d'une bombe dans une rue).
Au cours de ces rencontres avec les utilisateurs, il a fallu faire l'effort de parler leur langage (souvent qui est différent de l'expression normalisée) pour ensuite le formaliser aux techniciens en charge de la mise en œuvre. Je revoyais mon professeur me dire "mais qu'est ce que vous avez voulu dire par là?". La tenue de l'exposé simple et pragmatique, les concepts de "Qui, Quoi, Comment, Quand" revenait sans cesse. L'œil critique sur la réalité des faits qui m'étaient présentés, c'était aussi lui. Sur la fin de ma carrière, j'avais trouvé des outils graphiques me permettant de mieux cerner les réalités et rechercher les "biais" dans ce qui m'avait été présenté. Là aussi Aurélie Jean, nous parle de ces biais, qui sont susceptibles de fausser les résultats et entraîner les gens sur de fausses conclusions. En appliquant ces méthodes, je ne pense pas avoir été capable d'éviter tous les écueils, mais d'en éliminer un certain nombre.
Enfin, en fin de carrière, j'ai voulu obtenir un diplôme d'ingénieur par la validation des acquis de l'expérience. Évidemment, j'ai rédigé une thèse. A l'intérieur j'ai pu regrouper, un grand nombre des techniques utilisées, et la plupart des méthodes que j'ai expérimentées au cours de ma profession. Mais c'est naturellement que j'ai souhaité faire relire cette thèse à mon professeur. Bien sûr, j'ai eu droit aux questions qu'il me posait dans ma vie d'étudiant, nous avons entièrement corrigé le document au cours d'une longue après-midi. Mais j'étais heureux de le revoir. Il est, et il sera toujours, Mon Maître.
Si j'écris aujourd'hui, c'est aussi grâce à lui et je lui serai toujours reconnaissant.
Je pense qu'Aurélie Jean serait ravie de le rencontrer. Je suis sûr qu'elle l'aimerait.
Mercredi 8 avril. Paradoxes...
Rédigé le .
Mercredi 8 avril,
Trois semaines de confinement et je ne sais plus où j'en suis... Les experts se succèdent à la télé pour nous dire tout et son contraire. Cependant, les thèmes commencent à changer : l'économie et la finance reprennent du poil de la bête, la bourse remonte et les entreprises demandent de plus en plus à revenir travailler au bureau ou à l'usine...
Les scenarii de déconfinement pleuvent et nous annoncent le pire et le meilleur.
J'en ai la tête qui tourne, je ne sais plus : il faut un masque, mais il n'est pas nécessaire, cependant on va le rendre obligatoire.
Pour être sorti de la crise il faut qu'il y ait 60% de la population qui soit immunisée, mais comment attraper le virus en confinement pour pouvoir fabriquer des anticorps? On va être systématiquement dépisté demain, par la voie sérologique mais la seule chose qui sera sûre, c'est si on découvre des anticorps qui attesteront du fait que j'ai été contaminé. Si j'en ai pas: que ferai-je? Rester à la maison pour ne pas développer la maladie, aller dehors pour l'attraper? Si nous avons vécu cette période de trois semaines avec un nombre de cas nécessitant l'hospitalisation et la réanimation lourde avec seulement 10% de contaminés dans la population (chiffre que les experts avancent), faut-il faire des confinements et déconfinements successifs?
Les agriculteurs français souhaitent vendre leur production. Ils demandent de la main d'œuvre pour aller dans les champs. Les transporteurs routiers payent l'énergie moins chère, réduisant les coûts de fonctionnement. Mais alors pourquoi les distributeurs disent que les légumes et les fruits sont plus chers?
Par contre, je suis obligé de constater que mes habitudes ont changé. Aujourd'hui, je répète avec ma chorale par visioconférence, cela maintien le lien social qu'avaient nos regroupements.
Mes achats sont faits différemment, et globalement j'en fais moins car je ne commande que ce dont j'ai besoin. Je vais au drive et je ne perds pas de temps et je limite les contacts physiques.
Je m'attache à soutenir les commerces locaux pour le frais et les produits simples.
Je me suis mis à la couture avec la vieille machine à coudre de ma mère et j'apprends tant bien que mal.
Mais ma famille proche me manque....
Nous sommes tous confinés par la force des choses. Beaucoup d'échanges se font via internet puisque nous ne pouvons pas nous réunir pour faire la fête, débattre...
Auparavant, cet onglet "Actualités" nous servait à publier les évènements festifs prévus dans le mois à venir, aujourd'hui nous avons décidé de participer à ces échanges en vous offrant une tribune dans la rubrique 'Vos récits et coups de cœur'.
Vos textes, avis, photos, conseils seront publiés dans la rubrique 'Journal de confiné(e)s'.
N'hésitez pas à vous en servir, nous ne laisserons un si petit virus venir nous empêcher de profiter des bienfaits de la culture, des arts et de nos qualités sociales et humaines.
Nous avons toutes et tous besoin de ce lien que nous créerons grâce au site.
Nous ressentons l'envie d'humour, de beauté, d'humanité car actualité est trop anxiogène et laide.
Donc, au plaisir de recevoir de vos nouvelles bientôt.
Préservez vous bien.
M.V. 8 avril 2020
Jeudi 16 avril. Incohérences...et après...
Rédigé le .
Jeudi 16 avril,
Je suis fatigué de regarder les émissions de télévision sur le coronavirus. Les critiques et les fausses informations d'internet m'importunent. Trop d'incohérences dans le débat public, trop de décisions non réfléchies, trop de messages inconsistants : je ne vois pas comment nous pouvons nous en sortir sans trop de dommages.
Pour fixer les choses, je vais faire une liste à la Prévert :
- Le retour des élèves à l'école...mais progressivement. Comment, qui, avec quoi? Nul ne le sait 3 jours après l'allocution présidentielle. Quand on voit les pays asiatiques ou les pays nordiques qui déconfinent les écoles, on voit que l'on est loin du compte.
- Le retour des enfants à l'école, mais les bars et restaurants, cinémas, théâtre... restent fermés. Et la cantine, n'est-ce pas de le restauration scolaire?
- Au début, les enfants étaient très contagieux et porteurs sains de virus, aujourd'hui, ils ne le sont plus, c'est à dire qu'ils ne sont plus potentiellement dangereux.
- Les masques, je devrais dire cette arlésienne que sont les masques, sont-ils là? Le stock commence-t-il à augmenter? Ce sont ces chiffres précis que nous souhaiterions avoir, de même pour tous les instruments techniques nécessaires à tous les soignants de France. Au lieu de cela, on nous abreuve (le terme est choisi quand on considère les français comme des veaux) de chiffres qui ne partent jamais de la même base, établissent des courbes différentes sans référentiel unique.
- Les précautions à prendre vis à vis des matières inertes sont également incohérentes : d'aucuns disent que les habits que l'on a porté doivent être lavés en rentrant et qu'un lavage complet en machine habituel suffit, et d'autres disent que les masques en tissus doivent être lavés impérativement à 60°. Pourquoi? Les matières inertes, au bout de trois jours perdent toute trace de virus (début du confinement). Aujourd'hui, l'ensemble du porte-avions Charles de Gaulle doit être désinfecté. Pourquoi?
- Un couple vit dans un même logement, aucun n'a de signe de la maladie, ils ne peuvent pas se déplacer dans un même véhicule. Pourquoi? Quels sont les arguments?
Bien d'autres éléments pourraient venir grossir la liste, mais je ne peux pas résumer en quelques phrases plus d'un mois d'interventions et de décisions.
Ce que je sais, c'est que les politiques ne peuvent pas porter, à eux seuls, les responsabilités de ce désastre. Comme aujourd'hui, je prétends qu'ils ont pris des décisions en fonction des éléments que des experts scientifiques, techniques et financiers leur ont communiqué.
Aujourd'hui, l'urgence n'est pas de condamner l'ensemble de ces intervenants. L'urgence est de se séparer sans délai de ces conseillers qui nous ont amenés à ce désastre humanitaire. Il faut en prendre d'autres ailleurs, loin des sentiers battus, loin des convenances antérieures, ceux que l'on a écarté car on ne voulait pas les entendre. Ainsi, les décisions prises pourront avoir des chances d'être bénéfiques.
Après ce déconfinement, il faudrait commencer à penser, à analyser ce que ce dernier mois nous a fait vivre : le retour de la nature dans notre espace, les différentes façons de travailler :
- adaptation des petits commerces et des paysans pour une distribution au plus près des consommateurs, ===> Voilà qui devrait être encouragé et développé.
- mise au télétravail imposé pour un certain nombre de métiers, notamment les administratifs, dans les entreprises, dans les administrations... ==> Voici une opportunité pour un déconfinement progressif et qui devrait déboucher sur des économies de frais fixes dans les entreprises (certaines grandes entreprises le pratiquaient déjà sur Paris). Les gens viendraient en décalé pour maintenir la cohésion sociale et l'esprit d'entreprise nécessaire à la dynamique. Ce télétravail aurait aussi l'avantage de diminuer les transports et donc diminuerait mécaniquement la pollution.
- La télémédecine s'est développée rapidement et semble donner des résultats prometteurs. ==> Là aussi, il faut encourager ce mode de fonctionnement avec des médecins référents qui peuvent être délocalisés et qui apprendraient à connaître leurs patients même avec une distance éloignée (surtout dans nos campagnes).
Mais là encore, je suis sûr qu'il y a bien d'autres décisions à prendre. Chacune de ces propositions doit être analysée car dans tout concept, il y a un problème de biais et donc de détournement potentiel vers des dysfonctionnements graves.
D'autre part, je pense que si cela était aussi simple, il y a longtemps que le gouvernement aurait appliqué nombre de ces propositions.
Mais l'expérience que j'ai, me permet de dire que nombre d'écueils, nombre d'idées jugées essentielles et incontournables ne le sont pas réellement. C'est beaucoup la loi des 80% par rapport aux 20% qui nous guide. Et nous compliquons tout pour les 20% au lieu de satisfaire les 80%. Les 20% doivent alors être identifiés pour être traités différemment.
Le virus psychologique
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Samedi 4 avril, je vois à la télé un gars, sorti de nulle part, qui annonce des vérités que tout le monde nous cache : ' ...la deuxième vague d'attaque du virus sera encore plus terrible que la première ...' et il diffuse cela sur le net!!!
Internet est la pire et la meilleure des choses qui puisse être. De tous temps, lorsque des catastrophes arrivent, il y a toujours des gens qui veulent profiter des situations tragiques pour asseoir leur désir de briller, d'exploiter, d'asservir, les gens fragiles. Celui-ci a touché 2 millions d'internautes. Certains ont succombés à ses arguments et ont voulu partager cela avec leurs amis, leurs proches. Si le quart des gens qui ont visionné sa vidéo, partage avec 2ou 3 de leurs contacts, alors il touchera encore 1millions de personnes qui en feront autant: c'est le principe de la contamination du coronavirus...
Dans notre époque il est donc important que l'on essaye de faire barrage à ces gens malfaisants qui sont, bien sûr, plus au courant que les autres et qui diffusent de fausses informations dans un but que je vous laisse deviner.
La morale de cette histoire, c'est de faire l'effort de vérifier l'information qui nous est transmise avant de la diffuser. Il y a de nombreux sites pour cela, mais il y a aussi l'esprit critique qui doit être sans cesse en alerte. C'est vrai pour toutes les arnaques dont vous faites l'objet, mais aussi pour toutes les informations qui vous parviennent. Ce n'est pas parce que le net le dit que c'est forcément vrai. Ce n'est pas parce que l'ordinateur vous rend une information qu'elle est forcément juste. Derrière tout ce qui vous est transmis, il y a des programmes (algorithmes) qui ont été pensés, écrits et mis en œuvre par des hommes et ces hommes ont pu omettre des facteurs, faire des erreurs.
Soyez donc prudents dans ce domaine, surtout en ce moment.
De même, à cette époque de télétravail, il faudrait faire l'effort de solidarité de laisser libre internet et ses canaux pour les gens qui sont en télétravail. En effet, internet nous arrive par un canal filaire ou satellitaire qui n'a pas changé depuis que nous sommes confinés. Il faut s'imaginer que ce canal est un tuyau qui peut absorber une certaine quantité d'information à un instant T. Hors, depuis le confinement, le télétravail est devenu la règle pour un grand nombre de personnes contraintes à rester à la maison. Le gouvernement a mis en place des protocoles d'accès aux cours et leçons des enfants du primaire, du collège et du lycée. Cela fait donc énormément d'échanges d'informations. Chacun de nous a donc pu constater une baisse de réactivité (ce que l'on appelle le temps de réponse). Dans le temps d'avant internet, il était convenu que le temps de réponse supérieur à 2 secondes n'était pas tolérable pour le travail. Si nous étions solidaires, nous devrions ne recourir à internet que dans des plages horaires raisonnables, mettons avant 8 heures le matin, puis entre midi et deux, enfin après 17 heures. Ainsi nous libérons les canaux d'internet et nous permettons à ceux qui doivent travailler de disposer d'un outil plus performant.
Je vous souhaite un bon confinement.
M.V. 4 avril 2020