Cheminements informatiques - 17 avril
Le club de lecture
Je fais partie d'un club de lecture qui se réunit une fois par mois, le vendredi après-midi de 14h à 15h30 à la médiathèque de Cadolive. Cette fois-ci, nous n'avons pas pu nous réunir, distanciation oblige. Mais j'aurais voulu échanger avec mes amies du club à propos du livre d'Aurélie Jean "De l'autre côté de la machine".
J'ai vu cette jeune femme qui a été invitée à la Grande Librairie. Je l'ai trouvée particulièrement intelligente et cultivée. Elle exprimait simplement ses idées ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'auteurs d'essais. J'ai donc décidé de me procurer son livre afin de vérifier si ma première impression était bonne.
Son ouvrage est clairet bien structuré. Il témoigne de son enthousiasme pour la pratique de l'outil informatique, notamment celui rattaché à l'informatique scientifique, car, indéniablement c'est une scientifique. Dans son ouvrage, elle revient sur les racines du mot algorithme pour montrer que cette technique est vieille comme le monde. Pour elle, "un algorithme n'est pas une recette de cuisine, mais par contre, l'inverse est vrai : une recette de cuisine est un algorithme". Elle nous fait part de quelques unes de ses expériences, dans différents domaines scientifiques. En faisant ainsi, elle montre que de nombreux sujets peuvent être traités par des algorithmes. Cependant, et c'est là que son ouvrage est particulièrement intéressant, elle nous parle des dangers que cela entraîne, car quelquefois, les résultats de ces algorithmes sont erronés : ils dépendent essentiellement de la qualité et du nombre de ses concepteurs. Elle évoque pour cela l'existence de "biais" qui sont, en quelque sorte des failles du système. Cela l'amène tout naturellement à penser qu'un accompagnement philosophique et de sciences humaines est nécessaire. Précisément elle souhaite plus de débats avec les sociologues et les philosophes afin d'éduquer les utilisateurs. Le but de ces débats est d'interpeller les gens sur les résultats produits afin qu'ils laissent leur esprit critique toujours en éveil.
Mais ce qui m'a séduit le plus, c'est que son livre met en évidence l'exaltation de travailler en informatique. J'y ai retrouvé ce que j'ai vécu en grande partie depuis ma vie d'étudiant jusqu'à mon départ à la retraite.
Elle présente l'informatique, comme je l'ai vécue une petite dizaine d'années avant elle. Il faut quand même noter, que, s'agissant d'informatique, quelques années peuvent représenter des siècles d'évolution.
Personnellement, ce n'est pas une recette de cuisine qui a tout déclenché, mais plutôt mes cours de terminale où on m'a appris à faire des gammes d'usinage. Ce n'était, ni plus ni moins que le séquençage des opérations permettant d'obtenir une pièce complexe à partir d'un ou plusieurs matériaux bruts. Ce furent mes premiers émois face à cette technique mentale. C'est donc, naturellement que je me suis inscris dans un IUT d'informatique pour essayer d'aller plus loin car on m'avait dit que l'informatique ressemblait à cela.
A cette époque, l'informatique, c'était un "machin" avec des cartes perforées, des grosses bandes magnétiques et des armoires énormes et bruyantes implantées dans des locaux climatisés. Pour mon père, ce n'était pas un métier d'avenir et j'allais perdre deux ans d'études. Malgré tout, je me suis présenté en ce début du mois de septembre 1971 à l'IUT de Reims.
Les débuts furent difficiles : une semaine bloquée de cours d'informatique où on nous a remis entre les mains et surtout dans la tête, les bases des organigrammes (qui sont la façon graphique de représenter les algorithmes), les instructions de base d'un langage informatique (le FORTRAN). Les journées passaient extrêmement vite entre les heures de cours théoriques, la pratique avec les premiers codages. C'est là que nous avons approché les premières cartes perforéeset les machines qui permettaient de les confectionner, les disques pour stocker les données, les imprimantes à impacts, les listings avec bande carole, et une pièce de 10m sur 15m avec des armoires bleues et grises et un sigle : IBM.
C'est là que nous allions passer beaucoup de temps à essayer de "faire tourner" nos programmes. Déjà, le vocabulaire technique nous déformait. Le fortran est plutôt un langage destiné aux mathématiques. Évidemment, la plupart d'entres nous sortions d'un bac scientifique et il était plus facile de nous confier des travaux à base de raisonnement mathématique.
On nous donnait un travail à faire accomplir à la machine. Nous dessinions un ordinogramme qui était une façon de représenter graphiquement l'algorithme qui partait de la donnée brute pour arriver au résultat attendu. Mon rêve se réalisait.
Quand nous avions fini, on traduisait notre dessin en instructions. Ces instructions étaient alors codées sur des cartes perforées. Puis, nous faisions lire à la machine le programme ainsi codé au travers d'un programme de traduction qui générait le-dit programme en code machine. Inutile de vous dire, que nous avons mis un certain temps pour savoir lire ce programme machine.
Enfin, nous pouvions mettre en œuvre le programme. Il y avait souvent des problèmes, et on passait de grands moments à chercher les erreurs de logique ou de codification. Combien de nuits avons-nous passées à revoir le chemin sur l'organigramme et à chercher l'erreur? Mais c'était tellement passionnant et si riche de satisfaction quand on finissait par trouver! Ce plaisir, je l'ai gardé longtemps. Je crois même que je l'avais encore à mon départ à la retraite.
Puis les cours ont commencé avec toutes les matières qui seraient utiles pour l'exercice de notre futur métier. D'abord celles qui concernaient la technologie de l'ordinateur, le système d'exploitation, les langages de programmation mais aussi les schémas d'algorithme préétablis et récurrents. Puis les matières de gestion et d'économie, les mathématiques et statistiques et la langue anglaise qui était plus que nécessaire car la plupart des brochures techniques étaient écrites en Anglais. Enfin, nous avions des cours d'expressions orale et écrite. Au début, cela nous a paru être la partie la moins importante de toutes, ne serait-ce que par son faible coefficient au niveau des notes.
Le professeur en charge de cette matière s'est révélé, au fil du temps, mon guide et mon ami. C'est lui qui m'a appris à synthétiser les problèmes, à tirer l'essentiel d'un argument (par des séances de lecture rapide), à exposer un propos, à défendre des idées. Mais surtout à toujours avoir un œil critique sur nombre de sujets. Comme je l'ai dit précédemment le livre d'Aurélie Jean aborde ces sujets en disant qu'il faudrait que l'on associe plus de philosophie et de science sociale dans les développements informatiques.
Mais que s'est il passé entre 1971 et 1980, date importante pour Aurélie Jean?
J'avais mon diplôme en poche, je n'ai pas attendu pour être embauché. J'étais célibataire et je ne comptais pas mes heures.
Mais on nous a demandé d'informatiser de plus en plus vite fonctions administratives et techniques. Les sociétés, et surtout les utilisateurs de l'outil informatique, demandaient plus de souplesse, plus de décentralisation, plus de communication entre les services.
C'est alors que les organigrammes et la rédaction des programmes ont largement évolué.
On perdait trop de temps sur la confection des organigrammes et surtout, chacun avait sa propre logique. Cela rendait le travail difficile quand il fallait intégrer de nouvelles contraintes dans les programmes. Alors on a commencé à "penser" différemment. On a construit une logique universelle pour les programmes. On s'était aperçu qu'il y avait énormément de tâches répétitives. On s'est donc dit qu'il fallait écrire des "routines" (le terme explique bien ce que cela représente). Une fois que les méthodes de construction ont été formalisées, il a fallu faire évoluer les langages pour les adapter à ces routines. C'était le début des langages évolués dits de 4ème génération (je n'avais pas eu le temps de réaliser qu'il y en avait eu 3 avant...).
Parallèlement, le matériel évoluait encore plus vite : l'apparition des micros ordinateurs, des PC, puis des serveurs. La vitesse de transmission des données, le web...
C'est en 1980 qu'Aurélie Jean est venue rejoindre l'informatique. D'abord chez elle pour se familiariser (mon fils avait fait de même), puis elle a réalisé son souhait d'aller visiter ce pays des algorithmes.
Pour ma part, c'est à cette époque que je me suis éloigné de l'analyse et de la programmation. Je souhaitais me rapprocher des utilisateurs en me servant du bagage acquis au cours de ces dix dernières années.
C'est là que les enseignements de mon professeur d'expression ont pris toute leur importance. La technique c'est complexe, mais la technique sans le social, l'humain et la philosophie, cela perd de son intérêt. Petit à petit, et sans m'en rendre vraiment compte, j'avais commencé à faire remonter les souvenirs de ses enseignements.
Je me suis occupé du contact avec les utilisateurs. Je suis devenu ce que l'on appelle "assistant à maîtrise d'ouvrage". En fait, je faisais le lien entre les ingénieurs informaticiens et les gens qui exprimaient leurs besoins de l'outil informatique. J'aidais les uns et les autres à se comprendre. Cette fois-ci, je voyais la satisfaction du travail réalisé dans le comportement des utilisateurs. Même, si quelquefois, cela a pris du temps pour ajuster la demande à la réalisation. C'est aussi cela qu'Aurélie Jean nous décrit quand elle rencontre des sommités scientifiques et qu'elle participe à la modélisation et à l'élaboration d'algorithmes que l'on peut qualifier d'incroyables (ex : celui de modéliser l'impact de la déflagration d'une bombe dans une rue).
Au cours de ces rencontres avec les utilisateurs, il a fallu faire l'effort de parler leur langage (souvent qui est différent de l'expression normalisée) pour ensuite le formaliser aux techniciens en charge de la mise en œuvre. Je revoyais mon professeur me dire "mais qu'est ce que vous avez voulu dire par là?". La tenue de l'exposé simple et pragmatique, les concepts de "Qui, Quoi, Comment, Quand" revenait sans cesse. L'œil critique sur la réalité des faits qui m'étaient présentés, c'était aussi lui. Sur la fin de ma carrière, j'avais trouvé des outils graphiques me permettant de mieux cerner les réalités et rechercher les "biais" dans ce qui m'avait été présenté. Là aussi Aurélie Jean, nous parle de ces biais, qui sont susceptibles de fausser les résultats et entraîner les gens sur de fausses conclusions. En appliquant ces méthodes, je ne pense pas avoir été capable d'éviter tous les écueils, mais d'en éliminer un certain nombre.
Enfin, en fin de carrière, j'ai voulu obtenir un diplôme d'ingénieur par la validation des acquis de l'expérience. Évidemment, j'ai rédigé une thèse. A l'intérieur j'ai pu regrouper, un grand nombre des techniques utilisées, et la plupart des méthodes que j'ai expérimentées au cours de ma profession. Mais c'est naturellement que j'ai souhaité faire relire cette thèse à mon professeur. Bien sûr, j'ai eu droit aux questions qu'il me posait dans ma vie d'étudiant, nous avons entièrement corrigé le document au cours d'une longue après-midi. Mais j'étais heureux de le revoir. Il est, et il sera toujours, Mon Maître.
Si j'écris aujourd'hui, c'est aussi grâce à lui et je lui serai toujours reconnaissant.
Je pense qu'Aurélie Jean serait ravie de le rencontrer. Je suis sûr qu'elle l'aimerait.
Le club de lecture
Je fais partie d'un club de lecture qui se réunit une fois par mois, le vendredi après-midi de 14h à 15h30 à la médiathèque de Cadolive. Cette fois-ci, nous n'avons pas pu nous réunir, distanciation oblige. Mais j'aurais voulu échanger avec mes amies du club à propos du livre d'Aurélie Jean "De l'autre côté de la machine".
J'ai vu cette jeune femme qui a été invitée à la Grande Librairie. Je l'ai trouvée particulièrement intelligente et cultivée. Elle exprimait simplement ses idées ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'auteurs d'essais. J'ai donc décidé de me procurer son livre afin de vérifier si ma première impression était bonne.
Son ouvrage est clairet bien structuré. Il témoigne de son enthousiasme pour la pratique de l'outil informatique, notamment celui rattaché à l'informatique scientifique, car, indéniablement c'est une scientifique. Dans son ouvrage, elle revient sur les racines du mot algorithme pour montrer que cette technique est vieille comme le monde. Pour elle, "un algorithme n'est pas une recette de cuisine, mais par contre, l'inverse est vrai : une recette de cuisine est un algorithme". Elle nous fait part de quelques unes de ses expériences, dans différents domaines scientifiques. En faisant ainsi, elle montre que de nombreux sujets peuvent être traités par des algorithmes. Cependant, et c'est là que son ouvrage est particulièrement intéressant, elle nous parle des dangers que cela entraîne, car quelquefois, les résultats de ces algorithmes sont erronés : ils dépendent essentiellement de la qualité et du nombre de ses concepteurs. Elle évoque pour cela l'existence de "biais" qui sont, en quelque sorte des failles du système. Cela l'amène tout naturellement à penser qu'un accompagnement philosophique et de sciences humaines est nécessaire. Précisément elle souhaite plus de débats avec les sociologues et les philosophes afin d'éduquer les utilisateurs. Le but de ces débats est d'interpeller les gens sur les résultats produits afin qu'ils laissent leur esprit critique toujours en éveil.
Mais ce qui m'a séduit le plus, c'est que son livre met en évidence l'exaltation de travailler en informatique. J'y ai retrouvé ce que j'ai vécu en grande partie depuis ma vie d'étudiant jusqu'à mon départ à la retraite.
Elle présente l'informatique, comme je l'ai vécue une petite dizaine d'années avant elle. Il faut quand même noter, que, s'agissant d'informatique, quelques années peuvent représenter des siècles d'évolution.
Personnellement, ce n'est pas une recette de cuisine qui a tout déclenché, mais plutôt mes cours de terminale où on m'a appris à faire des gammes d'usinage. Ce n'était, ni plus ni moins que le séquençage des opérations permettant d'obtenir une pièce complexe à partir d'un ou plusieurs matériaux bruts. Ce furent mes premiers émois face à cette technique mentale. C'est donc, naturellement que je me suis inscris dans un IUT d'informatique pour essayer d'aller plus loin car on m'avait dit que l'informatique ressemblait à cela.
A cette époque, l'informatique, c'était un "machin" avec des cartes perforées, des grosses bandes magnétiques et des armoires énormes et bruyantes implantées dans des locaux climatisés. Pour mon père, ce n'était pas un métier d'avenir et j'allais perdre deux ans d'études. Malgré tout, je me suis présenté en ce début du mois de septembre 1971 à l'IUT de Reims.
Les débuts furent difficiles : une semaine bloquée de cours d'informatique où on nous a remis entre les mains et surtout dans la tête, les bases des organigrammes (qui sont la façon graphique de représenter les algorithmes), les instructions de base d'un langage informatique (le FORTRAN). Les journées passaient extrêmement vite entre les heures de cours théoriques, la pratique avec les premiers codages. C'est là que nous avons approché les premières cartes perforéeset les machines qui permettaient de les confectionner, les disques pour stocker les données, les imprimantes à impacts, les listings avec bande carole, et une pièce de 10m sur 15m avec des armoires bleues et grises et un sigle : IBM.
C'est là que nous allions passer beaucoup de temps à essayer de "faire tourner" nos programmes. Déjà, le vocabulaire technique nous déformait. Le fortran est plutôt un langage destiné aux mathématiques. Évidemment, la plupart d'entres nous sortions d'un bac scientifique et il était plus facile de nous confier des travaux à base de raisonnement mathématique.
On nous donnait un travail à faire accomplir à la machine. Nous dessinions un ordinogramme qui était une façon de représenter graphiquement l'algorithme qui partait de la donnée brute pour arriver au résultat attendu. Mon rêve se réalisait.
Quand nous avions fini, on traduisait notre dessin en instructions. Ces instructions étaient alors codées sur des cartes perforées. Puis, nous faisions lire à la machine le programme ainsi codé au travers d'un programme de traduction qui générait le-dit programme en code machine. Inutile de vous dire, que nous avons mis un certain temps pour savoir lire ce programme machine.
Enfin, nous pouvions mettre en œuvre le programme. Il y avait souvent des problèmes, et on passait de grands moments à chercher les erreurs de logique ou de codification. Combien de nuits avons-nous passées à revoir le chemin sur l'organigramme et à chercher l'erreur? Mais c'était tellement passionnant et si riche de satisfaction quand on finissait par trouver! Ce plaisir, je l'ai gardé longtemps. Je crois même que je l'avais encore à mon départ à la retraite.
Puis les cours ont commencé avec toutes les matières qui seraient utiles pour l'exercice de notre futur métier. D'abord celles qui concernaient la technologie de l'ordinateur, le système d'exploitation, les langages de programmation mais aussi les schémas d'algorithme préétablis et récurrents. Puis les matières de gestion et d'économie, les mathématiques et statistiques et la langue anglaise qui était plus que nécessaire car la plupart des brochures techniques étaient écrites en Anglais. Enfin, nous avions des cours d'expressions orale et écrite. Au début, cela nous a paru être la partie la moins importante de toutes, ne serait-ce que par son faible coefficient au niveau des notes.
Le professeur en charge de cette matière s'est révélé, au fil du temps, mon guide et mon ami. C'est lui qui m'a appris à synthétiser les problèmes, à tirer l'essentiel d'un argument (par des séances de lecture rapide), à exposer un propos, à défendre des idées. Mais surtout à toujours avoir un œil critique sur nombre de sujets. Comme je l'ai dit précédemment le livre d'Aurélie Jean aborde ces sujets en disant qu'il faudrait que l'on associe plus de philosophie et de science sociale dans les développements informatiques.
Mais que s'est il passé entre 1971 et 1980, date importante pour Aurélie Jean?
J'avais mon diplôme en poche, je n'ai pas attendu pour être embauché. J'étais célibataire et je ne comptais pas mes heures.
Mais on nous a demandé d'informatiser de plus en plus vite fonctions administratives et techniques. Les sociétés, et surtout les utilisateurs de l'outil informatique, demandaient plus de souplesse, plus de décentralisation, plus de communication entre les services.
C'est alors que les organigrammes et la rédaction des programmes ont largement évolué.
On perdait trop de temps sur la confection des organigrammes et surtout, chacun avait sa propre logique. Cela rendait le travail difficile quand il fallait intégrer de nouvelles contraintes dans les programmes. Alors on a commencé à "penser" différemment. On a construit une logique universelle pour les programmes. On s'était aperçu qu'il y avait énormément de tâches répétitives. On s'est donc dit qu'il fallait écrire des "routines" (le terme explique bien ce que cela représente). Une fois que les méthodes de construction ont été formalisées, il a fallu faire évoluer les langages pour les adapter à ces routines. C'était le début des langages évolués dits de 4ème génération (je n'avais pas eu le temps de réaliser qu'il y en avait eu 3 avant...).
Parallèlement, le matériel évoluait encore plus vite : l'apparition des micros ordinateurs, des PC, puis des serveurs. La vitesse de transmission des données, le web...
C'est en 1980 qu'Aurélie Jean est venue rejoindre l'informatique. D'abord chez elle pour se familiariser (mon fils avait fait de même), puis elle a réalisé son souhait d'aller visiter ce pays des algorithmes.
Pour ma part, c'est à cette époque que je me suis éloigné de l'analyse et de la programmation. Je souhaitais me rapprocher des utilisateurs en me servant du bagage acquis au cours de ces dix dernières années.
C'est là que les enseignements de mon professeur d'expression ont pris toute leur importance. La technique c'est complexe, mais la technique sans le social, l'humain et la philosophie, cela perd de son intérêt. Petit à petit, et sans m'en rendre vraiment compte, j'avais commencé à faire remonter les souvenirs de ses enseignements.
Je me suis occupé du contact avec les utilisateurs. Je suis devenu ce que l'on appelle "assistant à maîtrise d'ouvrage". En fait, je faisais le lien entre les ingénieurs informaticiens et les gens qui exprimaient leurs besoins de l'outil informatique. J'aidais les uns et les autres à se comprendre. Cette fois-ci, je voyais la satisfaction du travail réalisé dans le comportement des utilisateurs. Même, si quelquefois, cela a pris du temps pour ajuster la demande à la réalisation. C'est aussi cela qu'Aurélie Jean nous décrit quand elle rencontre des sommités scientifiques et qu'elle participe à la modélisation et à l'élaboration d'algorithmes que l'on peut qualifier d'incroyables (ex : celui de modéliser l'impact de la déflagration d'une bombe dans une rue).
Au cours de ces rencontres avec les utilisateurs, il a fallu faire l'effort de parler leur langage (souvent qui est différent de l'expression normalisée) pour ensuite le formaliser aux techniciens en charge de la mise en œuvre. Je revoyais mon professeur me dire "mais qu'est ce que vous avez voulu dire par là?". La tenue de l'exposé simple et pragmatique, les concepts de "Qui, Quoi, Comment, Quand" revenait sans cesse. L'œil critique sur la réalité des faits qui m'étaient présentés, c'était aussi lui. Sur la fin de ma carrière, j'avais trouvé des outils graphiques me permettant de mieux cerner les réalités et rechercher les "biais" dans ce qui m'avait été présenté. Là aussi Aurélie Jean, nous parle de ces biais, qui sont susceptibles de fausser les résultats et entraîner les gens sur de fausses conclusions. En appliquant ces méthodes, je ne pense pas avoir été capable d'éviter tous les écueils, mais d'en éliminer un certain nombre.
Enfin, en fin de carrière, j'ai voulu obtenir un diplôme d'ingénieur par la validation des acquis de l'expérience. Évidemment, j'ai rédigé une thèse. A l'intérieur j'ai pu regrouper, un grand nombre des techniques utilisées, et la plupart des méthodes que j'ai expérimentées au cours de ma profession. Mais c'est naturellement que j'ai souhaité faire relire cette thèse à mon professeur. Bien sûr, j'ai eu droit aux questions qu'il me posait dans ma vie d'étudiant, nous avons entièrement corrigé le document au cours d'une longue après-midi. Mais j'étais heureux de le revoir. Il est, et il sera toujours, Mon Maître.
Si j'écris aujourd'hui, c'est aussi grâce à lui et je lui serai toujours reconnaissant.
Je pense qu'Aurélie Jean serait ravie de le rencontrer. Je suis sûr qu'elle l'aimerait.